«Exposer pour les ombres, développer pour les hautes lumières»
La maîtrise en photographie dépend de la bonne évaluation de la lumière et du soin apporté à l'exposition du film.
Le Zone System fait en sorte que les données sensitométriques ne soient plus réservées au seul domaine des laboratoires
de fabrication des films, mais permet de les appliquer, avec une précision restant dans les limites du raisonnable, à la création individuelle.
Le Zone System permet tout spécialement, après avoir réussi les tests nécessaires, de maitriser la prévisualisation de son image
et d'obtenir un tirage photographique qui retranscrive fidèlement, en terme de gamme de gris et de placement des valeurs, l'image visualisée.
Tests de base pour une mise en pratique simple du Zone System
I - Exposer pour les ombres
Bien que l'exposition d'un film et son développement soient en partie interdépendants, il est possible de schématiser ainsi leur action réciproque :
- en général, l'exposition d'un film contrôle la densité du négatif alors que le développement agit sur le contraste.
Exemple: plus on expose un film, plus on augmente la densité du négatif ; plus on développe longtemps, plus on augmente son contraste.
En conclusion, exposer correctement un film garantit l'existence d'une densité suffisante dans les ombres pour permettre, lors du tirage,
d'en faire apparaître les détails souhaités avec le contraste nécessaire.
Pour ce faire, il s'agit de déterminer pour chaque photographe l'indice d'exposition réel d'un film donné, dans des conditions de travail
qui lui sont propres (un appareil, un objectif, un posemètre, un film, un révélateur et une méthode de développement).
L'information importante à trouver est la suivante:
Petite précision supplémentaire: «Zone I *est la densité tirable minimum», ce qui veut dire que bien que le négatif représentant une Zone I
soit très transparent, une densité est clairement visible et très différenciée par rapport a un négatif non exposé (comparez avec la densité
du film entre dex négatifs). Zone I n'est pas la densité minimum, Zone 0* représente la densité minimum.
Ces quelques lignes ne sont pas un exposé du Zone System (pour cela, il faudra se reporter aux ouvrages spécialisés tels ceux d'Ansel Adams,
Fred Picker, Minor White et Phil Davis entre autres) mais décrivent seulement une procédure facile et simple à mettre en œuvre pour le mettre
en pratique.
Mise en place
Étant donné qu'une Zone I est très sombre dans la nature et proche du noir maximum sur le tirage, utilisez un carton noir mat pour le test
(évitez une surface brillante). Un test doit se rapprocher le plus possible des conditions normales de prise de vue.
Placez le carton dans une zone d'ombre, uniformément éclairée. Mesurez les quatre coins du carton (lumière réfléchie) afin de vous assurer que
l'éclairement est uniforme. Si vos négatifs sont transparents d'un côté et denses de l'autre, il sera toujours possible de mesurer une Zone I
quelque part sur chacun des négatifs. A moins de posséder un posemètre corrigé pour avoir un spectre de réponse similaire à celui des films
panchromatiques, ce test doit s'effectuer impérativement en lumière du jour.
Positionnez votre appareil (sur trépied stable) face au carton et parallèle à lui à une distance de 80 cm à 1 m. Le carton doit être suffisamment grand
pour remplir complètement le champ de visée. Régler la mise au point sur l'infini afin qu'il n'y ait aucune interférence de la texture éventuelle du carton.
Exposition
Réglez le posemètre à 1/4 de la sensibilité du film fournie par le fabricant pour la première exposition,
(100 ISO si vous testez un film annoncé 400 par le fabricant, 25 s'il s'agit d'un film de 100 ISO, etc.).
Placez le posemètre le long de l'axe de l'objectif,en vous assurant que son angle de mesure ne déborde pas du carton. Effectuez votre mesure
puis placez le résultat face à la Zone I (si vous possédez un posemètre équipé pour le Zone System) sinon fermez de quatre valeurs par rapport
à la mesure initiale qui correspond à une Zone V*. Reportez ce réglage sur votre appareil (vitesse et diaphragme) et exposez votre premier négatif.
Évitez les vitesses supérieures au 1/500 ou inférieures à 1/2 seconde pour des raisons de précision et de réciprocité.
Sans refaire d'autres mesures, fermez d'un demi diaphragme et effectuez une deuxième exposition, fermez d'un autre demi diaphragme et effectuez une troisième exposition, fermez d'un autre demi diaphragme et effectuez une quatrième exposition, fermez d'un autre demi diaphragme et effectuez une cinquième exposition, fermez d'un autre demi diaphragme et effectuez une sixième exposition, effectuez votre septième et dernière exposition après avoir encore fermé d'un demi diaphragme.
Essayez de maintenir une vitesse constante tout au long du test, utilisez des ouvertures différentes pour effectuer les réglages.
Un premier essai sans mettre de film permet de se rendre compte si l'on peut effectuer le test rien qu'en changeant les diaphragmes.
Inutile de prendre des notes. Pour trouver l'indice d'exposition utilisé sur du film en rouleau (120 et 35 mm), il suffit de compter à partir du négatif
le plus dense vers celui qui correspond à la densité Zone I.
A titre d'exemple voici la progression pour un film de 400 ISO (sensibilité indiquée par le fabricant):
le premier négatif (le plus dense) correspond à 100 ISO, le second correspond à 140 ISO, le troisième correspond à 200 ISO,
le quatrième correspond à 280 ISO, le cinquième correspond à 400 ISO, le sixième correspond à 560 ISO
et enfin le septième correspond à 800 ISO soit le double de la sensibilité nominale du film.
Chaque demi-diaphragme plus fermé sur l'objectif augmente la sensibilité du film à partir de la première exposition réglée pour 100 ISO.
Exemple:
Pour ce qui est du temps de développement, pour cette partie des tests vous pouvez utiliser le temps recommandé par le fabricant, les basses valeurs
(faibles densités sur le négatif) sont très peu influencées par le choix du révélateur et par la durée du développement.
Si vos négatifs sont très denses (maximum intirable densité), c'est la preuve irréfutable que vous avez ouvert votre diaphragme au lieu de le fermer !
Résultats
Dés que vous connaîtrez votre sensibilité de film (correspondant à votre équipement et à vos conditions de travail), il ne restera plus qu'un paramètre à contrôler:
«développer pour les hautes lumières»
c'est-à-dire le temps de développement normal du film pour les hautes lumières (Zone VIII*) selon les caractéristiques de contraste de votre
agrandisseur, de votre papier et de votre révélateur, etc.
Après cela, vous maîtriserez les deux extrémités de la courbe donc la courbe entière.
A vos négatifs !!!
* Description des zones
II - Développer pour les hautes lumières
Tout d'abord permettez-moi de vous féliciter.
Si vous êtes en train de lire ce texte, c'est que vous avez réalisé et sans doute réussi la première partie du test.
Maintenant vous connaissez la sensibilité pratique du film que vous avez choisi d'utiliser.
Jusqu'à présent, nous avons parlé développement d'une manière générale.
Les densités du négatif représentant les plus basses valeurs sont presque exclusivement le résultat de l'exposition
et l'augmentation ou la diminution du temps de développement n'aura que très peu d'influence.
Les valeurs à partir de la zone V cependant, seront profondément modifiées par tout changement du temps de développement.
Pour ajuster vos négatifs à votre environnement de travail (agrandisseur, papier, révélateur, etc.)
un test de développement est donc nécessaire. Il permettra de s'assurer que les plus hautes lumières apparaîtront sur le tirage
avec les mêmes valeurs que celles visualisées au moment de l'exposition.
Le temps de développement normal produit un négatif qui, exposé pour une Zone VIII (en utilisant la sensibilité du film trouvée lors du test précédant), possède une densité suffisante pour produire un gris Zone VIII au tirage (sous-entendu que le temps d'exposition sous l'agrandisseur
est le temps minimum nécessaire pour produire le noir maximum à travers un échantillon de film non exposé mais développé et fixé).
Mise en place
Placez un carton blanc au soleil, de taille similaire au carton noir utilisé lors du test précédant.
Mesurez les quatre coins du carton (lumière réfléchie) afin de vous assurer que l'éclairement est uniforme.
Positionnez votre appareil (sur trépied stable) face au carton et parallèle à lui à une distance de 80 cm à 1 m.
Le carton doit être suffisamment grand pour remplir complètement le champ de visée.
Régler la mise au point sur l'infini afin qu'il n'y ait aucune interférence de la texture éventuelle du carton.
Exposition
Réglez votre posemètre selon la sensibilité pratique déterminée par le test précédant.
Déclenchez deux fois pour du film 120 ou trois fois pour du film 35 mm avec le capuchon sur l'objectif afin d'avoir un peu de film non exposé qui sera utilisé ultérieurement.
Placez le posemètre le long de l'axe de l'objectif, en vous assurant que son angle de mesure ne déborde pas du carton. Effectuez votre mesure puis placez le résultat face à la Zone VIII (si vous possédez un posemètre équipé pour le Zone System) sinon ouvrez de trois valeurs par rapport à la mesure initiale qui correspond à une Zone V. Reportez ce réglage sur votre appareil (vitesse et diaphragme) et exposez la totalité du film de façon identique avec ce réglage. Si vous travaillez en planfilm, exposez 4 planfilms pour la Zone VIII.
Le reste se déroule en chambre noire. Dans le noir complet coupez le film en quatre parties égales. Pour ce faire, le plus simple est de plier le film en deux de façon à ce que les deux extrémités se touchent et de couper au niveau de la boucle puis de refaire la même opération avec chaque moitié. Repérez la partie comportant l'amorce du film. Stocker les sections de film dans une boite étanche à la lumière. Développer la première section (comportant l'amorce et les deux ou trois déclenchements à vide) selon les instructions données par le fabricant.
Procédure
La suite du test se divise en deux parties:
Placez un négatif existant dans l'agrandisseur, réglez la hauteur pour un agrandissement approximatif 18x24. Faites la mise au point puis remplacer le négatif par la portion de film non exposée, développée et fixée. Réglez le diaphragme de l'objectif d'agrandisseur à f/11, insérez une feuille du papier photographique grade 2 que vous utilisez couramment (si vous utilisez du papier à Contraste Variable réglez le filtrage pour obtenir une gradation 2) et exposez pour 3 secondes. Ensuite couvrez une portion de 2 cm sur un côté avec un carton opaque et réexposer pendant 3 secondes. Avancez le carton de 2 cm en direction du côté opposé et répéter la manoeuvre jusqu'à obtenir une dizaine de bandes de 2 cm exposées 3 secondes.
En résumé, la première bande a reçu une exposition totale de 3 secondes, la deuxième de 2 fois 3 secondes, la troisième de 3 fois 3 secondes, etc.
Développer la feuille pendant 2 minutes avec une agitation vigoureuse; tournez la feuille dessus dessous au moins toutes les 15 secondes, et agitez entre les retournements. Ne vous contentez pas de soulever régulièrement un coin de la cuvette. Après le fixage et un rapide rinçage,
essuyez le tirage puis identifiez la première bande dont le noir n'est pas différentiable de celui de la bande suivante.
Dans le doute, mieux vaut choisir une bande trop claire qu'une trop sombre. Si la bande choisie apparaît avant la cinquième bande,
fermer le diaphragme d'un cran et refaites l'essai. Si la dernière bande est la plus foncée, ouvrez le diaphragme d'un cran et refaites l'essai.
Fixez complètement et lavez le tirage normalement puis séchez le.
Tous les papiers deviennent plus sombre au séchage. La bande qui apparaissait gris très sombre dans le fixateur peut se changer en noir profond
une fois sèche. Seulement lorsque le tirage sera sec vous pourrez l'examiner à la lumière du jour et déterminer exactement l'exposition nécessaire pour obtenir le premier noir maximum.
Si vous utilisez du papier périmé ou bon marché, un révélateur épuisé ou oxydé, oubliez la notion de noir, oubliez la notion de qualité de tirage, oubliez le Zone System, rien de cela n'est pour vous.
Sans rien changer à votre agrandisseur (hauteur, ouverture de l'objectif, filtrage si vous utilisez du papier à contraste variable, etc.),
remplacez le film vierge utilisé dans la première partie par un négatif Zone VIII. Replacez une feuille vierge du papier utilisé dans le margeur et couvrez-en la moitié d'un carton opaque. Cette fois ne déplacez pas le carton pendant l'exposition. Ne modifiez pas la minuterie.
Exposez le même nombre de fois 3 secondes que celui qui a produit le noir maximum à travers le film non exposé
(exposer 5 fois 3 secondes n'est pas l'équivalent d'une exposition de 15 secondes).
Résultats:
Si, après développement, la moitié de papier exposée montre plus qu'une trace de tonalité
(comparez avec le blanc du papier de la partie masquée), c'est que le négatif est trop transparent.
Développez une deuxième portion de film (ou un deuxième planfilm) pendant une durée 25% supérieure et réessayez.
Si, après développement, la moitié de papier exposée ne montre pratiquement aucune trace de tonalité
(très peu ou pas de différence avec le blanc du papier de la partie masquée), c'est que le négatif est trop dense.
Développez une deuxième portion de film (ou un deuxième planfilm) pendant une durée 25% inférieure et réessayez.
Réessayez une troisième fois à moins que votre deuxième essai ne soit le bon ou suffisamment proche pour que vous puissiez extrapoler le résultat. Fixez et lavez le tirage normalement puis séchez le avant de revérifier le résultat.
Il vous reste une quatrième bande de négatifs pour affiner le test si nécessaire.
Il n'est pas très important de savoir quelle tonalité exacte sur le papier correspond pour vous à une Zone VIII pour autant quelle soit proche du blanc du support mais cependant nettement distincte de lui. Il suffira, lors de vos prévisualisations d'associer votre Zone VIII à ce rendu sur le papier.
Maintenant vous possédez un négatif optimum. Votre négatif a reçu la juste exposition ainsi que le développement approprié pour:
Représenter les valeurs en-dessous de la Zone I par le noir maximum du papier utilisé.
Représenter les valeurs visualisées en Zone I par un gris Zone I sur le tirage
Représenter les valeurs visualisées en Zone VIII par un gris Zone VIII sur le tirage
Les valeurs intermédiaires s'imprimeront à leur juste valeur de gris.
A partir de maintenant vous maîtrisez une technique d'exposition et de développement supérieure à tous les boniments des fabricants et des revendeurs de matériel.
Vous possédez un standard qui vous permet de maîtriser prise de vue et développement des films. Si vous changez de posemètre ou de thermomètre, comparez les résultats de mesure avec ceux utilisés lors du test et calibrez-les en conséquence.
Si vous changez de film ou de révélateur vous devez refaire les tests de sensibilité et de développement.
Développement N + et N -
Les tests de développement N + et N - sont basés sur le même principe que celui pour le développement normal.
Utilisez exactement la même procédure mais si vous voulez trouver le temps de développement pour:
N+1, exposez votre test pour une Zone VII (ouvrez de 2 valeurs par rapport à la mesure donnée par le posemètre)
et développez pour obtenir une Zone VIII
N-1, exposez votre test pour une Zone IX (ouvrez de 4 valeurs par rapport à la mesure donnée par le posemètre)
et développez pour obtenir une Zone VIII
Dans les deux cas, utilisez le temps de développement normal comme base et selon les cas, commencez par augmenter
ou diminuer ce temps de base de 25%.
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